Sécuriser la croissance du veau jusqu’au sevrage
Les vêlages précoces requièrent une croissance soutenue de 0 à 6 mois. Cela exige d’être très rigoureux sur le programme d’alimentation liquide et solide du veau non sevré.
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La conduite des veaux est un travail minutieux qui conditionne la carrière d’une vache laitière, c’est-à-dire sa longévité, sa résistance aux maladies, et l’expression de son potentiel génétique. L’enjeu est d’autant plus important que l’on vise des vêlages précoces pour amortir les coûts d’élevage. La génisse devra peser au moins 90 kg au sevrage et 30 % de son poids adulte à 6 mois, soit 210 kg. « Pour atteindre cet objectif, il convient de minimiser les troubles sanitaires à l’origine de retards de croissance, mais aussi d’avoir un plan d’alimentation qui garantit un GMQ de plus de 900 g, en particulier pendant la phase lactée, indique Philippe Arzul, vétérinaire consultant Vitalac (1). C’est possible avec 8 litres/j de lait entier, 1 kg de poudre d’allaitement ou 2 kg de concentré. »
Mais sur le terrain, les éleveurs sont le plus souvent entre 650 et 800 g. Il y a donc des gains de productivité à aller chercher au cours de la phase d’allaitement car la croissance jusqu’au sevrage est corrélée au niveau de production. « 15 kg de plus au sevrage, c’est 1 500 litres de plus en première lactation », rappelle le vétérinaire.
« Pas moins de 8 litres de lait entier en phase lactée »
Les repas seront distribués à horaires réguliers, dans des seaux propres. Pour satisfaire aux objectifs de croissance grâce à une haute valeur énergétique, la référence reste le lait entier. Mais il faut être vigilant sur sa qualité bactériologique. Dans la caillette, la caséine du lait entier va coaguler pour produire un caillé bien ferme qui sera lentement et efficacement digéré (8 heures). Il s’agit d’une digestion acide, qui libère progressivement les éléments nutritifs dans l’intestin et joue un rôle antibactérien. La quantité distribuée doit augmenter progressivement pour atteindre deux repas de 3 litres en fin de première semaine, puis de 4 litres pour un sevrage à la fin de la huitième semaine. « Distribuer moins de 8 litres/j pendant la phase lactée ne garantit pas une croissance suffisante, prévient Philippe Arzul. Si le veau ne pèse pas plus de 90 kg et consomme moins de 2 kg de concentré, l’allaitement sera alors prolongé sur la base d’un repas de 4 litres/j. » Lorsque le lait est riche en matière grasse, la quantité distribuée par repas sera diminuée de 4 litres avec du lait à 40 de TB à 3,5 litres avec un lait à 45 de TB. Pour rappel, les laits à cellules ou à antibiotiques sont déconseillés : les premiers risquent de transmettre des germes, ils ont une moindre qualité nutritionnelle et le caillé est moins ferme, donc moins bien valorisé.
Les poudres de lait écrémé sont plus digestibles
Il existe deux types d’aliments d’allaitement : ceux à base de poudre de lait écrémé (PLE) et ceux à base de lactosérum.
Les avantages des aliments à base de PLE sont une meilleure digestibilité, une croissance plus régulière, moins de risques de problèmes digestifs et une meilleure adaptation au passage à un repas par jour. La quantité de PLE varie de 10 à 60 % : plus la teneur est élevée, plus le caillé est ferme et la digestion lente et efficace (le babeurre contenu dans l’aliment est considéré comme un équivalent PLE car constitué de caséine).
Les poudres de lactosérum ne caillent pas dans la caillette. Le lait passe rapidement dans l’intestin pour être digéré en deux heures. Leur atout principal est leur prix (- 200 €/t). « Sur l’étiquette, il y a deux choses à regarder : tout d’abord, le rapport protéines/matières grasses. Viser 1,3 pour optimiser la croissance, indique Philippe Arzul. Puis la qualité de la protéine : les PLE et le babeurre assurent une digestion de type lait entier et une croissance plus soutenue, intéressante pour des vêlages précoces. Les protéines du lactosérum ne coagulent pas dans la caillette, de même que les protéines végétales. Leur quantité ne doit pas dépasser 20 % de la protéine apportée. » Quelle que soit la poudre, les quantités distribuées sont les mêmes. Là encore, si le poids objectif de 90 kg n’est pas atteint à 8 semaines et que la consommation de concentrés est inférieure à 2 kg/j, le programme d’allaitement sera maintenu pendant 1 ou 2 semaines avec des pertes économiques liées au prix du lacto-remplaceur. La quantité de poudre à diluer doit être précise et contrôlée : un minimum de 125 g/litre de buvée pour deux repas par jour et 175 g en un seul repas. « En deçà de 1 kg/j, la croissance permise par l’alimentation liquide est insuffisante, prévient Philippe Arzul. Or, avec un repas par jour, ces quantités sont rarement respectées. Il faut en tout cas éviter ce principe d’allaitement par temps froid, au risque d’avoir des animaux en hypothermie. »
De la fibre et de l’amidon lent pour prévenir l’acidose
Parallèlement, il est important de bien préparer le sevrage en mettant à disposition de l’eau, du concentré à volonté dès la première semaine, du sel et de la fibre. « Je recommande la paille, car le foin, s’il est de bonne qualité,risque d’être trop consommé au détriment des concentrés et de leur croissance, et la richesse du fourrage en potassium pourrait causer des diarrhées. » Le concentré doit doser 0,95 à 1 UFL et 17 à 18 % de MAT. Il est là pour développer les papilles ruminales et la flore digestive du rumen et de l’intestin. Il faut donc des protéines de qualité, de l’énergie, des minéraux et des fibres digestibles (pulpes de betteraves, luzerne, sons). « La qualité première du concentré est qu’il est simple de vérifier qu’il se consomme bien. Le sevrage étant un stress important, il faut essayer de distribuer le même avant et après sevrage pour sécuriser l’ingestion. » Pour un mélange fermier, on préférera le maïs (entier jusqu’à 3 mois puis aplati plutôt que broyé) aux céréales à paille plus acidogènes, par exemple deux tiers maïs, un tiers soja et 2 % de minéral (une formule de type 5/25 riche en calcium pour corriger le déficit des céréales et du tourteau en calcium). L’avoine est aussi intéressante pour son apport de matières grasses et de cellulose ou un peu de lin pour les acides gras essentiels. Là encore, l’hygiène doit être respectée : le concentré devra être renouvelé chaque jour pour que l’auge ne devienne pas un bouillon de culture. Idéalement, une auge en Inox pour éviter la formation d’un biofilm ou dans un biberon à granulés.
Jérôme Pezon(1) Recommandations issues de la publication « L’allaitement du veau laitier », coécrite avec Gilbert Laumonnier (SNGTV).
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